Algerie Europe coopération durable

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Patrick le Berrigaud

jeudi 30 juin 2011

L’Algérie est urbanisée Mr Larbi Icheboudene


Est-il possible de présenter un état des lieux des villes algériennes ?


Nos villes sont des héritages de l’époque coloniale qui doivent être considérés comme un patrimoine architectural et urbain contemporain et moderne d’Algérie. Nous avons aussi une immense Histoire de réseaux urbains très lointaine et dans l’Histoire récente, notamment lors des trois à quatre derniers siècles remontant à l’époque ottomane marquée par un réseau urbain qui n’a pas été fabriqué par les ottomans qui ont développé les médinas qui fonctionnaient bien avec une citadinité avérée. Par contre, les villes actuelles héritées avec des espaces partagés et ségrégués qui a fait qu’il y ait des quartiers musulmans et d’autres européens. Les populations algériennes accédaient à ces villes sans avoir le mode d’emploi et par conséquent cela a créé un certain nombre de dysfonctionnements dus à ces formes de réappropriation, mais aussi au fait que ces villes étaient devenues objet de migration, d’exodes ruraux, pour la bonne et simple raison que le monde rural était synonyme de la grande misère économique. En ville, les gens avaient des chances de se soigner, d’envoyer leurs enfants à l’école, de trouver un travail en habitant un gourbi ou un bidonville. Par la suite, il y a eu les pressions des populations urbaines, c’est le cas d’Alger qui contenait entre 800 à 900 000 habitants à l’indépendance. Aujourd’hui, cette population est d’environ 5 millions, alors imaginez tous les dysfonctionnements devant les besoins de ces populations et pour lesquels la ville n’a pas prévu autant d’infrastructures et d’équipements.



- Qu’en est-il des différents programmes réalisés dans les années 1980 ?


Les urgences qui sont nées des besoins on fait qu’on n’avait pas toujours le temps de fabriquer des PDAU (Plan directeur d’aménagement du territoire) et des PUD (Plans d’urbanisme directeurs). Au lieu de faire du développement urbain, on a fait de l’étalement urbain qui est de la consommation de terres et la construction de projets sur des terres agricoles avec absence de planification. Ce qui est planifié, cogité et prémédité se réaliserait avec les normes qu’il faut avec les concertations et les décisions adéquates. Il fallait aux besoins les plus urgents qui sont ceux du logement et finalement on a réalisé des ploucs tombés du ciel. Pour le cas d’Alger, c’est les quartiers de Bab Ezzouar, de Aïn Naâdja et de Bachdjerrah. S’il n’y avait pas l’emprise de l’urgence, elles auraient pu être conçues comme des villes nouvelles. Malheureusement, on a fabriqué des programmes de logements réappropriés, et c’est au bout de 25 ans qu’on s’est rendu compte qu’il s’agissait de cités dortoirs. Ce n’est que maintenant qu’il y a des commerces, des rues, des parkings, etc.



- Il s’agit des années 1980. Mais pour les autres programmes venus bien après, à partir de 2000, avec la loi 90-29, on aurait pu éviter de rééditer ce désastre ?


Il ne faut pas oublier que la crise nationale du logement y ait toujours. Il y a des problèmes à la fois de moyens de réalisation et de parcelles de terrains. On essaie de répondre au besoin de logement qu’on appelle social à côté d’autres formules comme le LSP (Logement social promotionnel) ou LPA (Logement promotionnel aidé) qui sont de nouvelles formules pour faire participer les gens et les engager en devenant propriétaire puisqu’ils participent financièrement et bénéficient aussi de crédits à longs termes. Est-ce pour autant que cela donne suffisamment de distance, à la fois aux décideurs et aux grands techniciens de l’urbanisme pour faire avec les moyens et le temps nécessaires, de fabriquer l’œuvre urbaine au sens réfléchi et une fois en fonctionnement devra être aussi qualifié d’établissement humain, car c’est destiné à l’usager. Faut-il encore que ces fabricants de programmes de logements et d’études en urbanisme réalisent des études auprès des populations, futurs destinataires de ces nouveaux projets. Quand ces nouveaux programmes sont bien conçus, les populations ne souffrent pas de déracinement, comme c’était le cas des populations qui ont été déplacées d’Alger centre vers les nouvelles cités dans les années 1980.



- On parle d’identité urbaine ou de culture urbaine. En combien de générations peut-on arriver à cette identité ?


On ne naît pas urbain, on le devient. Cela dépend de la trajectoire des familles et de leur histoire, comment la ville reçoit les populations, soit elle les laisse accéder à la culture urbaine soit elle les admet seulement. Dans un certain nombre de thèmes que j’ai traités, je qualifie cela de «comment vivre la ville ?». Je fais le distingo entre trois types : le «vivre de la ville», on peut exister dans la ville, y habiter et en vivre, mais on peut aussi habiter hors de la ville et y venir travailler, il y a le «vivre dans la ville» en y habitant et en y travaillant, et il y a «vivre la ville», c’est lorsque on accède à un statut où on se sent concerné par votre ville : devenir un citoyen, lorsqu’on s’identifie plus à l’origine géographique des parents ou grands-parents.



- Peut-on parler d’urbanisme en Algérie ?


Bien sûr, on organise les assises nationales de l’urbanisme, donc on peut en parler, et c’est qu’il était temps de faire le point, le bilan et de se rendre compte des parcours faits par les acteurs institutionnels et les décideurs politiques et pour accéder au développement de la fabrication de la ville au sens harmonieux, mais surtout de la cohérence. On se rend compte qu’il y a des programmes de logements livrés sans équipements, des problèmes d’études, de non-concertation entre acteurs institutionnels. En même temps, le dernier recensement fait ressortir que l’Algérie est urbanisée à plus de 70%.



- Nos campagnes sont également urbanisées. Comment devra-t-on analyser cela ?


Cela fait partie de certaines erreurs de programmes d’urbanisme et de logements qui sont frappés par un défaut immense : la répétitivité. Il y a des régions montagneuses où on construit des programmes de logements de huit étages. Là où les maisons ne dépassent pas le rez-de-chaussée ou un à deux étages. On se retrouve avec des cités dans des bourgs qui ne conviennent ni au site ni aux populations qu’on coupe de tout contact avec la terre. C’est bannir les paysans ! Un même budget aurait pu servir à la conception de logements individuels ruraux.



- Quel est le rôle du sociologue urbain dans un projet d’urbanisme en Algérie ?


Jusque-là, il est peu sollicité en Algérie. Lorsqu’un architecte dessine une maison, il ne le fait pas pour lui mais à ceux qui vont l’habitait. Pour cela, il faudrait qu’il connaisse les caractéristiques sociologiques et démographiques de la famille algérienne ; la manière de vivre, les souhaits, les vœux et les rêves des gens pour leur maison avec les articulations domestiques à l’intérieur. Ce sont des études fondamentales à la conception et à la réalisation d’un projet mais souvent faute de temps, cela n’est pas fait ainsi.



- Avec la cession des biens de l’Etat, est-ce que la dégradation des villes ne s’est pas accentuée ?


Non, ce n’est pas la cession des biens de l’Etat qui en est à l’origine, mais elle a aggravé l’état des logements collectifs. Elle n’a pas été suivie de cadre juridique de fonctionnement à la fois de l’immeuble, des relations de voisinage et des obligations vis-à-vis du respect de la co-propriété et la gestion des espaces communs et le partage des charges communes avec obligation d’entretien. La disparition des syndics d’immeuble sont une des causes.



- La ville est un espace économique. Est-ce que nos villes sont rentables ?


Une ville est définie comme espace d’échanges (commerciaux) depuis ses origines les plus lointaines. Nos villes contribuent d’office à l’apport économique puisqu’elles sont un espace de stabilité, où les gens ne sont plus nomades. Elle est un point de départ : un point de marché. La fonction fondamentale de toute ville est économique. En l’absence de cette fonction, il n’y a plus de ville. Dans le cas d’Alger, il est absolument nécessaire que l’on s’occupe effectivement de la rénovation de La Casbah pour des raisons de sauvegarde du patrimoine et elle peut devenir un pôle économique puisqu’elle va vivre par elle-même grâce aux apports du tourisme et sa population. Si La Casbah n’existe plus, la ville d’Alger perdra son identité. Le véritable noyau originel d’une ville c’est son centre historique. Pour remédier à l’anarchie, il faudra appliquer toutes les règlementations.

Fella Midjek EL Watna

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