Réserves de change et placements financiers en zone euro : gestion opaque de la Banque d’Algérie
Les placements effectués par la Banque d’Algérie en charge de la gestion des réserves de change, restent soumis au secret le plus absolu.
Certes, le gouverneur de la Banque centrale a tenté, jeudi, au cours de la présentation du rapport de conjoncture pour le second semestre 2011, de se livrer à un exercice plutôt inhabituel : aller plus en avant dans la communication afin de justifier et expliquer les positions de la Banque centrale concernant notamment les politiques de change. Objectif : jouer la transparence sur la gestion des ressources de l’Algérie, car il ne s’agit nullement, selon les propos mêmes de M. Laksaci, «d’un bien privé» mais d’un bien de la collectivité.Cela ne l’a pourtant pas empêché de se refuser à donner la moindre précision concernant la gestion des réserves de change cumulées de l’Algérie, notamment les placements en titres souverains européens.
Bien que vivement interpellé par la presse sur les risques qui pourraient peser sur ce genre de placements du fait de la décote de certains titres ou du recours à l’inflation pour réduire le coût de la dette en zone euro, le gouverneur a répondu stoïquement qu’«il n’y a aucun risque». Interrogé sur les facteurs qui pourraient garantir des placements non couverts par la BCE, il a ajouté que «les services de la Banque d’Algérie travaillent sérieusement sur l’analyse des risques» et que «l’Algérie a opté pour les placements les moins risqués». Il a déclaré qu’il ne pouvait «donner un état précis de ces placements pays par pays», de même qu’il n’a soufflé mot à propos des rendements de ces placements, indiquant qu’au préalable «il faudrait arrêter les comptes».
Pourtant, les rendements ont justifié, selon les propos de M. Laksaci, le transfert des dépôts des banques commerciales vers les banques centrales sous forme de titres souverains. Il a, à ce titre, précisé que cela n’a «rien à voir avec la décote des placements dans les banques commerciales». Et là réside l’une des contradictions du gouverneur.
Car, lors de son passage à l’APN et tel que cela a été rappelé par l’agence APS, le gouverneur avait alors expliqué que «cette politique a été adoptée par les banques centrales à travers le monde qui ont réduit leurs dépôts au niveau des banques commerciales de 20 à 10% afin d’éviter tout risque». D’ailleurs, les risques induits par la crise des dettes souveraines en zone euro ont été évoqués par le gouverneur de la Banque d’Algérie, qui a noté une reprise fragile de la croissance depuis 2010 et plus encore en 2011. Il a d’ailleurs précisé dans ce sens que «les risques financiers se sont accentués au quatrième trimestre 2011, affectant les économies émergentes et en développement». Des risques d’autant plus graves que certains pays de la zone euro sont déjà entrés en récession.
De l’autonomie de la Banque d’Algérie
Cependant, les risques de récession ne semblent pas troubler pour autant le gouverneur ni affecter son optimisme quant à la capacité de l’Algérie à absorber les chocs externes. Une capacité assise sur une position financière externe consolidée par l’accumulation des réserves de change et la réduction de la dette externe globale en 2011. Il est néanmoins clair, au sens des chiffres présentés dans le rapport de conjoncture, que cette solidité financière, l’Algérie ne la doit qu’à la seule appréciation des prix du brut sur les marchés internationaux. D’ailleurs, les hydrocarbures ont assuré, en 2011, 70% des recettes budgétaires globales. Il est nécessaire d’ailleurs de garder à l’esprit que l’Algérie n’est pas à l’abri d’un retournement de situation au regard de la forte augmentation de ses importations ainsi que des dépenses budgétaires courantes à 37,9%.
Des budgets liés aux dépenses de personnel (salaires) et aux transferts (subventions). Une situation d’autant plus inquiétante que les chiffres présentés par M. Laksaci, couvrant les 9 premiers mois de l’année écoulée, démontrent clairement que malgré la faiblesse des décaissements (moins de 50% du budget consommé), le taux de couverture des dépenses par les recettes hors hydrocarbures n’atteint que 46,5% du budget, selon les prévisions de clôture.
Toutefois, le gouverneur de la Banque d’Algérie – une institution bénéficiant de l’autonomie depuis la première génération de réformes entreprises au début des années 1990 – s’est attelé à justifier la politique menée par le gouvernement. Il justifie ainsi la forte augmentation des importations, avec un pic au second trimestre 2011, par la volonté des pouvoirs publics d’«assurer une disponibilité accrue des produits de base sur les marchés intérieurs» ainsi que par la subvention qui avait pour objectif de contenir l’effet de l’inflation importée.
Le gouverneur de la Banque d’Algérie, qui a avoué jeudi se baser sur les enquêtes de l’ONS (fortement critiquées actuellement) pour évoquer un taux d’inflation stabilisé autour de 4,5%, admet toutefois l’existence d’une inflation endogène liée à la déstructuration du marché intérieur ainsi qu’à l’augmentation des salaires. Celle-ci a eu, selon lui, pour double effet de stimuler la demande des consommateurs mais aussi d’améliorer l’épargne des ménages dont les dépôts ont augmenté de 3%.
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