HAMSI BOUBEKEUR :
« MES BANNIERES SE VEULENT UN PONT ENTRE LES PEUPLES, POUR UN MONDE SOLIDAIRE, RESPECTUEUX ET TOLERANT »
Liberté a rencontré l’artiste Hamsi Boubekeur, en marge d’une exposition qui débutera le 26 janvier 2011 dans l’agglomération bruxelloise.Hamsi Boubeker, vous avez déjà une longue carrière artistique passionnante derrière vous: de la musique en Algérie à la peinture naïve en Belgique en passant par l'expérience des "Mains de l'Espoir" et la décoration d'une station de métro à Bruxelles...Et vous voilà maintenant à l'initiative des "bannières". Comment est né et s'est développé ce nouveau projet qui fera l'objet d'une première exposition le 25 janvier dans l'agglomération bruxelloise?
C'est en Kabylie que j'ai pu observer la beauté de cette symbolique, représentée par des motifs réalisés sur des poteries, des tapis, sur les meubles berbères ou à l’occasion de la décoration des murs intérieurs des maisons kabyles.
J'ai aussi découvert un peu plus tard quelques écrits dont le plus ancien «Pour un renouveau des Arts Populaires en Algérie » a été édité par le Ministère de l'Agriculture. Ensuite celui de Jean-Bernard Moreau dans « Les grands symboles méditerranéens dans la poterie algérienne » (Alger, 1976) », ou encore « Peintures murales et pratiques magiques dans la tribu des Ouadhias » par M. Devulder.
Mais, en premier lieu, il s’agit surtout d’ un hommage aux femmes. La femme occupe dans cette culture une place prépondérante. Parce que l’homme est souvent contraint d’émigrer pour nourrir sa famille, elle reste « seule maîtresse du foyer, gardienne des dieux lares, prêtresse du rituel traditionnel » (J.B. Moreau). C'est aussi le souci de sauvegarder notre culture si ancestrale et de la propager par le biais du dessin, à nos futures générations afin qu'ils ne puissent oublier leur identité.
Mais, au-delà de la symbolique qu’elles recèlent, les bannières, en raison de leurs formes spécifiques se déclinant sur plus de 2 mètres de long et quelque 50 cm de larges sont déjà significatives…
Oui mais pour ce qui est des motifs existants, les plus représentatifs symbolisent, la fécondité, la générosité et, pour le reste, j'ai laissé mon esprit créatif guider ma main pour tracer de nouvelles formes géométriques en corrélation avec le sujet de l'œuvre, ou tout simplement, dans le but de les rendre plus accessibles à l'oeil de l'amateur d'art.
En fait, j'ai cherché à « poursuivre » le travail des artisans en lui donnant une dimension supplémentaire, une destinée nouvelle, bref, un avenir. Aussi la reprise des motifs traditionnels n’est-elle nullement passive : elle se double d’une réinterprétation constante, qui donne lieu à la création de variantes imprévues.
Pour ce qui est de votre question, mes bannières, se veulent être un pont entre les peuples, pour un monde solidaire, respectueux et tolérant. Une de mes plus grandes œuvres intitulée « Ma terre » est constituée de 9 bannières de 53cmx210cm ce qui illustre bien ce rêve de voir un jour se dessiner un monde sans frontière, sans guerre ni haine, un monde où chacun apportera sa connaissance pour le bien- être de l’humanité entière.
Voici à cet égard ce qu’écrit le Belge Daniel Laroche en découvrant mon oeuvre « Lya » :
« Lya » est une déesse-mère, comparable à celles qu’on trouve dans la plupart des mythologies et des religions traditionnelles, mais avec des caractères qui lui sont propres. Tout en elle évoque la fécondité, la générosité. En guise de couronne, elle porte une coupe qui rappelle l’écuelle kabyle où l’on place les aliments en vue de l’offrande, et dont sortent des épis de blé, symboles de la nourriture primordiale. Les seins généreux reprennent la même idée, mais en insistant cette fois sur le rôle nourricier des mères kabyles, souvent à la tête de familles nombreuses qui peuvent dépasser la dizaine d’enfants. Enfin, Lya a les bras levés et ses mains portent des bougies, symboles de la lumière sans laquelle la vie ne saurait s’épanouir (on sait que la bougie tire son nom d’une ville d’Algérie). Les deux triangles en miroir représentent le tronc du personnage paré d’une robe somptueuse, ses hanches portant la traditionnelle « fouta », sorte de grand foulard décoratif. Quant au croissant lunaire, il figure l’articulation entre le tronc et les jambes. Malgré son apparence hiératique, Lya n’est pas immobile. Lourde de ses offrandes, brandissant ses deux cierges, elle se présente et s’avance comme pour venir à notre rencontre : dans l’esprit de l’artiste, la déesse quitte la Kabylie et traverse la Méditerranée pour apporter à l’Europe la lumière solaire et le blé qu’elle y a fait dorer.
Vous avez déjà un calendrier de manifestations arrêtées dans différents pays?
Avant d’évoquer les prochaines manifestations, permettez-moi de remercier le ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les membres de la COCOF en charge de la Culture (Commission Culturelle francophone bruxelloise ndlr) et le Service de la Culture de la Commune de Saint-Gilles sans l’aide desquels cette exposition n’aurait pu voir le jour. En ce qui concerne les futures activités, il est prévu qu’en mai 2012, ces bannières soient exposées à Alger - mais les dates doivent encore être confirmées - et pour moi ce projet est important car c’est une première dans mon pays d'origine et , si elle a lieu au printemps prochain, elle sera particulièrement riche par le nombre et la diversité des œuvres exposées. Plus tard, en novembre, les bannières sont d’ores et déjà programmées au Grand- Duché du Luxembourg. Le projet éventuel d'une exposition en automne, organisée par la Mairie de Paris, doit également être prochainement confirmé. Cette manifestation devrait se dérouler dans le cadre du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. D'autres pays m’ont également sollicité pour exposer ces bannières.
Mais, en fait, vos dernières œuvres pourraient très bien déboucher sur une production "industrielle". Je pense, par exemple, à la réalisation de "papiers peints" destinés à la décoration intérieure des habitations. L'Art, en pareilles circonstances, est bien générateur d'emplois...
Oui, en effet, j'ai bien réfléchi à cette question et il ne fait aucun doute que produire des articles illustrés par mes bannières, réaliser des papiers peints, produire des tapisseries murales ou des tentures et d’autres produits donneraient plus de visibilité à ces œuvres. D’autre part, les motifs que j’ai créés ressemblent énormément aux motifs existants que chacun peut voir sur les poteries, les tapis ou encore la décoration des murs intérieurs des maisons kabyles. Je suis créateur et j'ai plein d'idées à ce sujet mais dans l’hypothèse d’une réalisation « industrielle » de ces œuvres, il faudra que je trouve un « bon » producteur ayant des affinités artistique.
Liberté : Vous avez décoré l’une des stations du métro bruxellois. La société qui gère le métro d'Alger ou le département algérien du ministère des transports sont-ils entrés en rapport avec vous pour solliciter vos services?
Malheureusement, non mais je ne perds pas espoir. J'attends d'être à Alger pour pouvoir rencontrer le PDG du métro d'Alger avec l'aide de Monsieur le Secrétaire d’Etat Halim Benatallah qui connaît bien mon travail ainsi que mes réalisations artistiques, puisqu’ il a été Ambassadeur en poste à Bruxelles.
Interview réalisé par Arezki MOKRANE, notre correspondant à Bruxelles
LIBERTE
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