Algerie Europe coopération durable

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Patrick le Berrigaud

dimanche 24 juin 2012

Quand l’homme aura fait tomber le dernier arbre RIO+20 Youtube 2012


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 Le tragique carnaval de RIO+20

Dimanche 24 juin 2012
"Quand l’homme aura fait tomber le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson. Il s’apercevra que l’argent n’est pas comestible !" Proverbe indien
Pendant près d’une semaine, la planète des crédules a été tenue en haleine par des médias qui nous ont présenté le Sommet de Rio comme le sommet de la dernière chance. Mieux, nous avons eu en prime le communiqué final avant la réunion des grands de ce monde. Cependant, et curieusement, en l’espace de deux mois, trois rapports venant de la Banque mondiale, de l’OIT et du Pnue ont minutieusement mis en condition l’opinion internationale sur la convergence quant à la nécessité d’aller vers l’économie verte. Nous allons les présenter après un état des lieux, 20 ans après Rio.
Le procès de l’économie brune
En vingt ans, lit-on sur Agoravox : "La population mondiale a augmenté de 26%, 12% de la biodiversité totale a disparu, les émissions de CO2 ont augmenté de 36%, 300 millions d’hectares de forêts ont disparu, il existe 21 mégavilles tentaculaires, la température globale a augmenté de 0,4°C, la production de plastique a augmenté de 130%, l’acidité des océans a fortement accéléré menaçant la vie marine qui est la source de toute vie terrestre.
Le rapport du (Pnue), "Geo-5" de juin 2012, va dans le même sens et fait le bilan des 90 objectifs reconnus en matière de gestion durable de l’environnement et de développement humain. Il établit un état des lieux alarmant : seuls 4 objectifs ont enregistré "des progrès significatifs". 40 objectifs ont enregistré des progrès (le rythme de la déforestation a régressé, les zones protégées se sont étendues, etc.). 24 objectifs n’ont pas connu de progrès ou très peu. A titre d’exemple, les émissions de gaz à effet de serre devraient doubler d’ici 2050 et les ressources halieutiques continuent de s’amoindrir. 8 objectifs ont enregistré une dégradation (qualité des eaux souterraines, protection des récifs coralliens, etc.). Les 14 objectifs restants n’ont pu faire l’objet d’une évaluation, faute de données disponibles. 1,3 milliard de personnes n’ont pas l’électricité, 2,6 milliards ne disposent pas d’installations sanitaires et 900 millions n’ont pas accès à de l’eau propre et potable. De ce constat d’échec, le Pnue conclut que, 20 ans après le Sommet de la Terre de Rio 1992, la planète doit réorienter d’urgence son développement".
"Plusieurs crises, lit-on dans le Rapport du Pnue, ont surgi ou se sont accélérées au cours de la décennie écoulée : climat, biodiversité, énergie, denrées alimentaires, eau et tout récemment la crise du système financier et l’économie mondiale tout entière. L’augmentation galopante des émissions polluantes donne lieu à des craintes croissantes d’emballement du changement climatique avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’humanité. Le choc des prix des combustibles de 2008 et la flambée des prix des denrées alimentaires et des matières premières qui en a découlé constituent des signes manifestes de faiblesses structurelles et de risques toujours présents. (...) La sécurité alimentaire est un problème dont la nature est loin d’être comprise par tous. La pénurie d’eau potable constitue déjà un problème planétaire et des prévisions suggèrent que l’écart entre la demande et l’offre renouvelable annuelles d’eau douce va se creuser d’ici 2030. Les perspectives d’amélioration de l’assainissement demeurent sombres pour plus de 2,6 milliards de personnes et 884 millions d’êtres humains n’ont toujours pas accès à de l’eau potable salubre."
"Collectivement, conclut le rapport, ces crises ont de graves conséquences sur notre capacité à assurer la prospérité dans le monde et à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).Elles viennent s’ajouter aux problèmes sociaux persistants liés au chômage, à l’insécurité socioéconomique et à la pauvreté (....) Bien au contraire, la plupart des stratégies de développement et de croissance économiques ont favorisé l’accumulation rapide de capital physique, financier et humain, au prix d’un épuisement et d’une dégradation excessifs du capital naturel, qui comprend notre dotation en ressources naturelles et en écosystèmes. À l’heure actuelle, les conditions penchent lourdement en faveur de l’économie brune dominante laquelle, entre autres, dépend, à l’excès, de l’énergie issue des combustibles fossiles. Ainsi, en 2008, les prix et la production de combustibles fossiles bénéficiaient de subventions d’un montant collectif supérieur à 650 milliards de dollars, soit un niveau non incitatif à l’adoption d’énergies renouvelables."
L’économie verte
Le développement durable demeure un but vital à long terme, mais pour l’atteindre un verdissement de l’économie est nécessaire. Depuis deux ans, la notion "d’économie verte" a rompu ses amarres avec l’univers des spécialistes en économie de l’environnement et rejoint le flux général du discours politique. C’est là qu’intervient la nécessité de comptabiliser la nature dans le PIB. Pour le Pnue : "Les preuves abondent aujourd’hui que le verdissement des économies ne fait pas obstacle à la création de richesses et d’emplois et qu’il existe de multiples opportunités d’investissement, et donc d’augmentation de la richesse et des emplois, dans de nombreux secteurs verts, il faudrait mettre en place de nouvelles conditions favorables à la transition vers une économie verte et c’est sur ce point que les décideurs dans le monde doivent agir d’urgence. L’économie verte reconnaît la valeur du capital naturel et l’intérêt d’y investir. La biodiversité, tissu vivant de notre planète, englobe la vie sous tous ses aspects : gènes, espèces et écosystèmes (...)Il est possible d’en estimer la valeur économique et leur valeur actuelle constitue un aspect fondamental du "capital naturel". Des ressources telles que les forêts, les lacs, les zones humides et les bassins fluviaux sont des composantes essentielles du capital naturel au niveau des écosystèmes (...) qui constituent autant d’aspects cruciaux d’une économie verte. Même son de cloche de la part de l’OIT. Dans un Rapport récent intitulé "Vers le développement durable : travail décent et intégration sociale dans une économie verte", nous lisons : "Le modèle de développement actuel s’avère inefficace et non viable, pas seulement pour l’environnement, mais aussi pour les économies et les sociétés. Nous devons de toute urgence nous orienter vers le développement durable avec un ensemble cohérent de politiques qui placent l’homme et la planète au centre. La conversion à une économie plus respectueuse de l’environnement pourrait générer de 15 à 60 millions d’emplois supplémentaires à l’échelle mondiale au cours des vingt prochaines années" a déclaré Juan Somavia, le DG de l’OIT.
Nous y voilà ! Dans le même ton, la Banque mondiale dans son dernier Rapport, qui se veut généreux, s’intéresse à l’économie verte qu’elle pense rendre rentable en incluant la nature comme capital marchand. Le rapport de la Banque mondiale du 10 mai exhorte les États à "Penser Vert". Nous lisons : "Alors que les instruments de mesure du revenu national tels que le PIB ne mesurent que la croissance économique à court terme, nous avons besoin d’indicateurs qui prennent en compte l’ensemble des richesses (y compris le capital naturel) pour savoir si la croissance sera durable sur le long terme."
Comment résister à cette fausse bonne solution ?
On le voit, les dernières défenses immunitaires des pays en développement ; leurs sols et leurs sous-sols deviendront des produits marchands. On peut se demander, alors, si la synchronisation de la parution de ces rapports et l’acharnement à imposer une nouvelle vision de l’économie verte n’est pas suspect. Comment comprendre, en effet, que tout ce qui a de la valeur est marchandisable. C’est ce que dénonce Esther Vivas qui écrit : "Le vert fait vendre. De la "révolution verte" en passant par la "technologie verte" et jusqu’à la "croissance verte". Dernière trouvaille en date, l’"économie verte". Une économie qui, contrairement à ce que son nom indique, n’a rien de "vert", mis à part la couleur des dollars qu’espèrent gagner ceux-là mêmes qui en font la promotion (..) Deux décennies plus tard, où en sommes-nous ? Que sont devenus des concepts tel que le "développement durable", qui est accolé à ce sommet ? Où en est la ratification de la Convention sur le Changement climatique qui avait jeté les bases du Protocole de Kyoto ? Ou de la Convention sur la Diversité biologique qui fut élaborée à l’époque ? Ce ne sont plus que des chiffons de papier, ni plus ni moins. Au cours de toutes ces années, non seulement on n’est pas parvenus à freiner le changement climatique, la perte de biodiversité, la déforestation, etc., mais ces processus n’ont fait, au contraire, que s’aggraver et s’intensifier. Nous assistons ainsi à une crise écologique sans précédent qui menace l’avenir de l’espèce humaine et de la vie sur cette planète. Une crise qui joue un rôle central dans la crise de civilisation que nous traversons. (...) Cette incapacité à offrir une issue réelle, nous avons clairement pu la constater lors des échecs des sommets sur le climat à Copenhague (2009), Cancún (2010), Durban (2011), ou lors du sommet sur la biodiversité à Nagoya au Japon (2010)."
"(....) Aujourd’hui, vingt ans plus tard, ils veulent nous vendre leur "économie verte" comme une solution à la crise économique et écologique. Il s’agit d’un processus d’appropriation néo-colonial des ressources naturelles - du moins celles qui ne sont pas encore privatisées - afin de les transformer en marchandises que l’on achète et que l’on vend. Ses promoteurs sont, précisément, ceux qui nous ont conduits à la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons (...) Ces mêmes compagnies qui monopolisent le marché de l’énergie (Exxon, BP, Chevron, Shell, Total), de l’agro-industrie (Unilever, Cargill, DuPont, Monsanto, Procter&Gamble), des pharmaceutiques (Roche, Merck), sont les principales qui impulsent l’économie verte. Nous assistons à une nouvelle attaque contre les biens communs et les perdants seront les 99% de notre planète. Et tout particulièrement les communautés indigènes et paysannes du Sud, celles qui protègent et vivent de ces écosystèmes. Elles seront expropriées et expulsées de leurs territoires au profit des entreprises multinationales qui veulent tirer profit de ces écosystèmes".
Pour Attac qui abonde dans le même sens : "Le coup de théâtre a eu lieu et un projet de déclaration a été approuvé par la plénière des négociateurs. Sans engagement prescriptif, encore moins contraignant, sans date de mise en oeuvre, cette déclaration est extrêmement faible et n’impose en rien un changement de paradigme pour construire "le monde que nous voulons". Les engagements ne sont bien souvent que "volontaires", comme le partage d’expériences ou suffisamment édulcorés pour être laissés à l’arbitrage de chaque État, comme la fin des subventions aux énergies fossiles. Sur le climat, ce texte invite à se projeter vers la prochaine conférence de Doha.(...) Le cas de l’eau est emblématique : les Etats-Unis, le Canada, la Turquie, le Brésil et la Chine, ont tout fait pour que ne soit pas mentionné le droit universel à l’accès à l’eau (....) La prééminence donnée aux mécanismes de marché pour réguler l’environnement et allouer les ressources vers le développement durable et l’économie verte est confirmée et étendue. A l’inverse, toujours pas d’engagement sur des taxes internationales sur les transactions financières.(...) Les modes de consommation et de production insoutenables des pays riches et des populations riches des pays émergents ne sont pas véritablement remis en cause. (...)Sur le versant de la "gouvernance mondiale", il faudrait se satisfaire d’un Pnue aux compétences élargies, même si les financements additionnels doivent s’effectuer sur une base volontaire. Plus étonnant est l’acceptation de ce texte par les pays les plus pauvres. (...)"
En définitive, Attac prône une autre voie : "Cette "économie verte", la volonté de soumettre tous les cycles vitaux de la vie aux règles du marché et à la domination de la technologie. Pour sortir de l’alternative suicidaire austérité ou croissance, une transition écologique est urgente, notamment en matière énergétique. Créatrice d’emplois et ouvrant les possibilités d’un avenir commun entre les peuples du monde."
Nous sommes sur le point de passer à une nouvelle phase, une nouvelle accumulation de capital, mainmise sur les ressources minérales et les terres de la planète. Cela se passe par la pseudo-légitimation du capitalisme vert mais aussi par une militarisation croissante des zones concernées. Les propositions "alternatives" de Via Campesina, non seulement conduisent à la souveraineté alimentaire, mais proposent une agriculture consommatrice de carbone qui refroidit la planète... Le G20 n’a jamais fait preuve de détermination à revoir en profondeur le modèle néolibéral et insoutenable actuel. Ses maigres engagements sur les paradis fiscaux ou la suppression des subventions aux énergies fossiles n’ont jamais été suivis d’effet, le G20 préférant sauver les banques plutôt que les peuples. Contre ce modèle néolibéral et prédateur, insoutenable tant sur le plan écologique que social, de nombreuses organisations, il faut résister, nous ne sommes pas dupes, l’économie verte est un luxe que seuls les pays riches peuvent s’offrir, c’est une approche imposée par les pays industrialisés pour piller les terres encore comestibles et pour freiner le développement et maintenir les pays en développement dans la pauvreté. A bien des égards, la kermesse de Rio +20 est un tragique carnaval où chaque pays développé mais aussi émergent, joue un rôle taillé à sa pointure. Les variables d’ajustement seront, comme d’habitude, les pays pauvres notamment africains qui, les premiers, paieront les ardoises de plus en plus lourdes en termes d’errements climatiques de plus en plus dévastateurs et de plus en plus récurrents. Ainsi va le monde.
Pr Chems Eddine CHITOUR, L’Expression

When man has brought down the last tree RIO 20

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