Portail Algérien des ÉNERGIES RENOUVELABLES Ecoconstruction dans le Bâtiment et travaux publics algérien
Jeudi 17 mai 2012
Dans un secteur qui réalise un taux de croissance à deux chiffres, avec une prévision de construction de deux millions de logements et d’infrastructures diverses, y compris des villes nouvelles, il est d’emblée plus que pertinent de s’intéresser à l’écoconstruction. Cela d’autant que l’explosion de la demande énergétique dans le résidentiel est rappelée régulièrement dans les publications de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg). Le pic de la demande d’électricité d’août 2011 qui avait atteint 8746 MW dépassait de 1000 MW celui de l’année précédente. Il en est de même pour la demande résidentielle en gaz naturel. Dans un de ses scénarios, la Creg estime que la consommation de gaz naturel sur le marché national qui avait atteint 27,5 milliards de m3 en 2010 doublera dix ans après, en 2020. Dans cette situation, l’écoconstruction apparaît comme un des instruments de mise en place d’un modèle de consommation énergétique sobre. Mais pour le moment, hélas, la réalité est toute autre. Je voudrais d’abord remettre en cause une idée reçue sur les tarifs algériens de l’électricité et du gaz naturel. Ils sont faibles et pas seulement en termes de prix relatifs en comparaison à ceux de l’Europe ou à ceux de nos voisins. Tant que ces tarifs de l’électricité et du gaz naturel resteront aussi faibles la propension à investir dans des actions d’économie d’énergie sera négligeable auprès des investisseurs et des consommateurs. Voyons un contre exemple significatif.
Pourquoi voulez-vous qu’un ménage habitant un logement disposant, à l’achat ou à la location, d’un chauffe-bain à gaz naturel s’équipe d’un chauffe-eau solaire de 200 litres dont le coût de fabrication par la filiale Grands Travaux pétroliers (GTP) de Sonatrach est de 135 000 DA ? Il lui faudra plus de dix ans pour l’amortir au tarif actuel du gaz naturel. Deuxième exemple. Lors que l’on été incapable d’assurer à ce jour, dans un marché en forte croissance, une autosuffisance en matière de ciment malgré l’existence de facteurs de production compétitifs (énergie, calcaire) comment pouvons nous croire à la promotion des "matériaux biosourcés" et au "green building". Comment faire croire que nous serions capables de recycler des produits de récupération tels que le papier, la sciure ou la paille pour en faire des matériaux d’isolation thermique ou acoustique, alors que des politiques de recyclage d’huiles moteurs usées initiées depuis un quart de siècle n’ont donné aucun résultat. Pourquoi en sommes-nous là ? Pour ma part j’estime que cela renvoie pour l’essentiel à une politique tarifaire qui non seulement ne pousse pas aux économies d’énergie mais au contraire favorise le gaspillage. La tarification par palier de consommation mise en œuvre par la Sonelgaz n’a pas été suffisante pour changer le comportement des consommateurs d’autant qu’une partie d’entre eux ne paient tout simplement pas leur consommation.
Pour engager un processus vertueux d’écoconstruction dans le BTP et l’habitat il faudra donc agir en amont sur le modèle de consommation énergétique lui-même. Ceci dit, on ne peut que se féliciter des efforts d’innovation initiés dans ce domaine par la recherche universitaire algérienne à l’instar par exemple des propositions faites par le professeur Mohamed Dahli de la faculté du génie et de la construction de Tizi Ouzou lors du 15e Salon du bâtiment, des matériaux de construction et des travaux publics (Batimatec). Ce dernier préconise la valorisation des tourteaux d’olives comme matériau d’isolation dans la construction.
De même que l’on doit se réjouir du projet de l’OPGI, avec un appui de l’Union européenne, de construction de 600 logements à "haute efficacité énergétique" à Souidania.
On peut également rappeler dans ce cadre les nombreuses initiatives de l’Agence pour la promotion de la rationalisation de l’utilisation de l’énergie (Aprue) qui souvent n’ont pas trouvé de relais opérationnels en matière d’économie d’énergie dans le résidentiel. Alors la vraie question est comment agir en amont sur le modèle de consommation énergétique pour amorcer la mise en place l’industrie du "green building", en tant que segment d’une transition énergétique assise sur les énergies renouvelables. On peut s’appuyer sur le programme national des énergies renouvelables adopté l’année dernière par le gouvernement.
On peut s’appuyer également sur les expériences réussies de pays qui nous ont précédé dans ce domaine comme la Tunisie. Ainsi ce pays voisin a réalisé un programme d’économie d’énergie dans le résidentiel qui a permis non seulement d’équiper des dizaines de milliers de foyers de chauffe eau solaire mais aussi de créer des emplois en les fabriquant sur place. Dans les programmes de logements engagés par ou avec l’appui des pouvoirs publics on pourrait ainsi introduire dans les cahiers des charges la mise en place non pas d’un chauffe-eau au gaz par appartement mais un chauffe-eau solaire collectif par immeuble.
La filiale GTP de Sonatrach et l’entreprise privée Thermokad de Abdelkader Hamdouni pourraient construire un chauffe-eau adapté aux besoins collectifs. Ces deux dernières produisent déjà un prototype de chauffe eau ménager. Je suis persuadé que nos architectes et chercheurs "bioclimatiques", l’Aprue et le secteur du logement ont d’autres idées à mettre sur la table. Cette problématique d’écoconstruction, évoquée aujourd’hui, est en vérité inscrite dans celle beaucoup plus large d’un modèle alternatif de croissance moins carbonée d’une part et ne s’appuyant pas exclusivement sur le secteur des hydrocarbures.
C’est le premier défi que doit relever la gouvernance économique algérienne en poursuivant contre l’avis d’une partie du courant dominant (main stream) un programme soutenu de réformes. À ce sujet l’ancienne majorité parlementaire n’a pas été jusqu’au bout en rejetant par exemple une tarification énergétique plus rationnelle et plus sobre.
La nouvelle, issue des urnes du 10 mai, ne pourra plus faire l’impasse sur cette problématique car les marges de manœuvre budgétaires seront de plus en plus étroites. On verra bien.
Mustapha MEKIDECHE, LIBERTE
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