Bachir Msitfa, Économiste, à Liberté
“Le soutien des hommes d’affaires, principale source de financement”
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Ce spécialiste en économie et finances suggère de soumettre les partis au contrôle de la cour des comptes.
Liberté : L’opinion publique a relevé une disparité de moyens entre les partis, comment analysez-vous ce phénomène ?
Bachir Msitfa : Plusieurs variables peuvent expliquer les disparités en moyens financiers des partis politiques en Algérie. Cela est valable non seulement au financement en période de campagne mais bien au-delà dans la gestion administrative du parti. Il y a bien évidemment les cotisations des adhérents du parti mais qui restent dérisoires au regard de la limite de leurs revenus d’autant plus que l’écrasante majorité des militants et adhérents d’une formation politique se recrutent parmi la couche moyenne.
Il y a aussi le soutien qui vient des hommes d’affaires indépendants ou membres dans des organisations professionnelles en contrepartie d’avantages particuliers comme l’emploi du Parlement pour légiférer dans le sens des leurs propres intérêts, particulièrement en matière d’avantages fiscaux et de facilitations financières, bancaires et administratives, notamment au moment d’importer. À mon avis, ce type de financement est la plus importante source des partis politiques. Pour compléter, citons aussi les aides de l’État que prévoit la loi mais qui restent tributaires des résultats enregistrés lors des élections de 2012. La loi algérienne régissant l’activité des partis politiques autorise l’autofinancement des partis et des dons mais interdit le financement d’origine étrangère. Dans ce cas de figure, il est possible qu’un parti politique puisse se financer de l’extérieur sous le couvert du commerce ou de l’investissement car le dispositif juridique actuel ne prévoit pas de mécanismes comptables et d’audit des transferts provenant de l’étranger. Cela est d’autant plus vrai si c’est des personnes morales qui servent de couverture. Par conséquent, nous trouvons des partis politiques qui disposent d’importants moyens financiers et d’autres pauvres qui, en période de campagne, comptent sur les moyens propres à leurs candidats, ce qui induit une action affaiblie avec un recours à l’endettement. Cette situation interfère de manière conséquente sur l’acte électoral en donnant un rôle plus important à l’argent au détriment de l’action politique et du militantisme dans la configuration des résultats finaux. À mon avis, cette situation n’est pas exclusive à l’Algérie, mais dans tous les pays nous retrouvons l’impact du capitalisme et de la finance dans le façonnage de l’opinion, et ce, en raison de la puissance des lobbies idéologiques. Ce qui, par contre, caractérise l’Algérie c’est les grandes disparités de moyens entre les partis qui ont un lien avec l’appareil exécutif à travers la mobilisation des moyens de l’État à des fins partisanes d’une manière ou d’une autre sans que les organes de contrôle ne puissent accomplir leurs missions à cause de la nature du régime politique lui-même.
La loi sur les partis politiques de janvier 2012 a défini un cadre général relatif au financement des partis politiques. Cependant, de nombreux aspects sont renvoyés à des textes d’application qui n’ont pas encore été publiés. Cette loi ne fait pas aussi la distinction entre le financement en période courante et celle de campagne électorale que l’on pourrait considérer comme exceptionnelle. Ces limites constituent-elles des failles du nouveau texte ?
Effectivement, et c’est ce que je voulais dire en évoquant l’absence de mécanismes de comptabilité et d’audit dans la nouvelle loi sur les partis politiques.
C’est ce vide juridique qui ouvre la voie à des contournements comme c’est le cas dans d’autres secteurs d’activité en relation avec l’action publique ou économique.
En effet, les articles de la loi relative au financement des partis ne sont pas efficaces pour assurer la transparence et l’équité entre les partis. Au premier plan, il y a lieu de promouvoir la culture politique au sein des partis eux-mêmes. Ceci reste difficile dans le contexte actuel. Pour le moment, il reste à faire preuve de plus de rigueur et de sérieux dans la préparation et la rédaction des textes de loi de la part des autorités compétentes qui doivent combler les vides juridiques constatés.
À votre avis, quels seraient les mécanismes à mettre en place pour contrôler le financement des partis politiques, notamment en période de campagne ?
Au préalable, il est d’une impérieuse nécessité de promouvoir l’instrument juridique pour garantir la transparence, y compris la transparence des élections, en renforçant l’arsenal juridique, aujourd’hui incapable de se hisser pour devenir véritablement l’émanation de la volonté populaire.
Autrement dit, il faut mettre en place “une charte nationale de lutte contre la corruption.” Cette charte définira l’éthique de l’action publique, y compris celle des partis politiques, et permettra aux individus moraux de contrôler et de demander des comptes en sus des institutions sécuritaire et juridique. À court terme, la chose est facile. Il suffit de renforcer la loi par des textes d’application bien étudiés pour une plus grande efficacité dans le contrôle du financement des partis. Il se peut, par exemple, que ces textes d’application aillent vers la création de dispositifs de contrôle spécifiques ou soumettant l’activité financière des partis au contrôle de la Cour des comptes, à l’instar de ce qui se fait avec les grandes entreprises, car je pense que les grands partis politiques se sont véritablement transformés en grandes sociétés et la chose politique en un grand secteur commercial. Preuve en est l’émergence des nouveaux riches concomitamment au lancement du multipartisme.
Liberté : L’opinion publique a relevé une disparité de moyens entre les partis, comment analysez-vous ce phénomène ?
Bachir Msitfa : Plusieurs variables peuvent expliquer les disparités en moyens financiers des partis politiques en Algérie. Cela est valable non seulement au financement en période de campagne mais bien au-delà dans la gestion administrative du parti. Il y a bien évidemment les cotisations des adhérents du parti mais qui restent dérisoires au regard de la limite de leurs revenus d’autant plus que l’écrasante majorité des militants et adhérents d’une formation politique se recrutent parmi la couche moyenne.
Il y a aussi le soutien qui vient des hommes d’affaires indépendants ou membres dans des organisations professionnelles en contrepartie d’avantages particuliers comme l’emploi du Parlement pour légiférer dans le sens des leurs propres intérêts, particulièrement en matière d’avantages fiscaux et de facilitations financières, bancaires et administratives, notamment au moment d’importer. À mon avis, ce type de financement est la plus importante source des partis politiques. Pour compléter, citons aussi les aides de l’État que prévoit la loi mais qui restent tributaires des résultats enregistrés lors des élections de 2012. La loi algérienne régissant l’activité des partis politiques autorise l’autofinancement des partis et des dons mais interdit le financement d’origine étrangère. Dans ce cas de figure, il est possible qu’un parti politique puisse se financer de l’extérieur sous le couvert du commerce ou de l’investissement car le dispositif juridique actuel ne prévoit pas de mécanismes comptables et d’audit des transferts provenant de l’étranger. Cela est d’autant plus vrai si c’est des personnes morales qui servent de couverture. Par conséquent, nous trouvons des partis politiques qui disposent d’importants moyens financiers et d’autres pauvres qui, en période de campagne, comptent sur les moyens propres à leurs candidats, ce qui induit une action affaiblie avec un recours à l’endettement. Cette situation interfère de manière conséquente sur l’acte électoral en donnant un rôle plus important à l’argent au détriment de l’action politique et du militantisme dans la configuration des résultats finaux. À mon avis, cette situation n’est pas exclusive à l’Algérie, mais dans tous les pays nous retrouvons l’impact du capitalisme et de la finance dans le façonnage de l’opinion, et ce, en raison de la puissance des lobbies idéologiques. Ce qui, par contre, caractérise l’Algérie c’est les grandes disparités de moyens entre les partis qui ont un lien avec l’appareil exécutif à travers la mobilisation des moyens de l’État à des fins partisanes d’une manière ou d’une autre sans que les organes de contrôle ne puissent accomplir leurs missions à cause de la nature du régime politique lui-même.
La loi sur les partis politiques de janvier 2012 a défini un cadre général relatif au financement des partis politiques. Cependant, de nombreux aspects sont renvoyés à des textes d’application qui n’ont pas encore été publiés. Cette loi ne fait pas aussi la distinction entre le financement en période courante et celle de campagne électorale que l’on pourrait considérer comme exceptionnelle. Ces limites constituent-elles des failles du nouveau texte ?
Effectivement, et c’est ce que je voulais dire en évoquant l’absence de mécanismes de comptabilité et d’audit dans la nouvelle loi sur les partis politiques.
C’est ce vide juridique qui ouvre la voie à des contournements comme c’est le cas dans d’autres secteurs d’activité en relation avec l’action publique ou économique.
En effet, les articles de la loi relative au financement des partis ne sont pas efficaces pour assurer la transparence et l’équité entre les partis. Au premier plan, il y a lieu de promouvoir la culture politique au sein des partis eux-mêmes. Ceci reste difficile dans le contexte actuel. Pour le moment, il reste à faire preuve de plus de rigueur et de sérieux dans la préparation et la rédaction des textes de loi de la part des autorités compétentes qui doivent combler les vides juridiques constatés.
À votre avis, quels seraient les mécanismes à mettre en place pour contrôler le financement des partis politiques, notamment en période de campagne ?
Au préalable, il est d’une impérieuse nécessité de promouvoir l’instrument juridique pour garantir la transparence, y compris la transparence des élections, en renforçant l’arsenal juridique, aujourd’hui incapable de se hisser pour devenir véritablement l’émanation de la volonté populaire.
Autrement dit, il faut mettre en place “une charte nationale de lutte contre la corruption.” Cette charte définira l’éthique de l’action publique, y compris celle des partis politiques, et permettra aux individus moraux de contrôler et de demander des comptes en sus des institutions sécuritaire et juridique. À court terme, la chose est facile. Il suffit de renforcer la loi par des textes d’application bien étudiés pour une plus grande efficacité dans le contrôle du financement des partis. Il se peut, par exemple, que ces textes d’application aillent vers la création de dispositifs de contrôle spécifiques ou soumettant l’activité financière des partis au contrôle de la Cour des comptes, à l’instar de ce qui se fait avec les grandes entreprises, car je pense que les grands partis politiques se sont véritablement transformés en grandes sociétés et la chose politique en un grand secteur commercial. Preuve en est l’émergence des nouveaux riches concomitamment au lancement du multipartisme.
LIBERTE A. Zenta
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