Algerie Europe coopération durable

Algerie Europe coopération durable
Patrick le Berrigaud

samedi 22 octobre 2011

Algerie développement et éthique : investir dans l’éducation et les institutions démocratiques

L’essence de la crise actuelle de l’économie mondiale est avant tout une crise morale puisque les logiques financières spéculatives l’emportent sur la sphère réelle et le travail. Pour le cas de l’Algérie, elle ne peut se comprendre sans la situer par rapport à la logique rentière où tout est irrigué par la rente des hydrocarbures.
La solution de facilité : la rente des hydrocarbures
Nous dirons d’abord que l’Algérie n’est pas à l’abri des périls notamment de la crise mondiale notamment à travers une chute des cours des hydrocarbures. Elle devrait se préoccuper du rendement des réserves de change évaluées à 174 milliards de dollars de réserves de change au 1er juillet 2011 dont plus de 154 milliards de dollars placées à l’étranger tant  aux USA (bons de Trésor) qu’en Europe (obligations) pays qui connaissent une crise d’endettement avec un retour à l’inflation (3%). Ce qui donne des taux d’intérêt très faibles voire nuls.
Car, il faut le reconnaître, objectivement l’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986 : ni économie administrée, ni véritable économie de marché, la rente des hydrocarbures, toujours la rente des hydrocarbures, expliquant les difficultés de la régulation politique, économique et sociale. La plupart des entreprises publiques et privées fonctionnent avec des inputs importés, l’intégration selon des sources récentes du ministère de l’Investissement ne dépassant pas 10%, étant une économie totalement rentière et extravertie, soumise aux chocs externes. Le constat  est que malgré que l’Algérie  ayant pompé ente 1962 et  2011 plus de  15 milliards de barils uniquement pour le pétrole,  soit plus que les réserves actuelles estimées à 12 milliards de barils selon la revue financière Gasoil au 1er janvier 2010 avec 1% des réserves mondiales et récemment avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers est fortement interpellée. Pourquoi ? Elle importe 75% des besoins des ménages et des entreprises dont 60% en euros et exporte 98 % des hydrocarbures en dollars. Mais à l’état brut ou semi brut. Paradoxe pour un pays pétrolier et gazier, 330.000 tonnes de  gasoil ont été importées en juillet et août 2011, le montant ayant déjà dépassé les 300 millions de dollars en 2009 et l'Algérie a importé également de l'essence super sans plomb pour une quantité de 130 000 tonnes pour une valeur d'environ 130 M USD pour juillet 2011, avec autant de quantités en prévision pour le mois d'août. 
L'Algérie, un pays gazier
Par ailleurs plus de 40% des recettes proviennent du gaz conventionnel qui connaît depuis la révolution du gaz non conventionnel aux USA un prix fluctuant entre 4/5 dollars le  MBTU, le prix ayant sensiblement augmenté à 7/8 dollars le MBTU en raison de la catastrophe nucléaire au Japon en Asie et en Europe. Or, la rentabilité des canalisations de Medgaz, (Europe via Espagne)  Transmed, Galsi accusant un retard (Europe via Italie) doit être de 9/10 dollars et pour les unités de liquéfaction de GNL plus de 14/15 dollars le million de BTU. L’Algérie n’est pas un pays pétrolier (moins de 15 ans de réserve au rythme et la production actuelle)  mais un pays gazier, plus de 25 ans  avec  4500 milliards de mètres cubes gazeux de réserve tenant compte de la forte consommation intérieure et pas seulement des 85 milliards de mètres cubes gazeux d’exportation. Mais la durée de 25 ans pour le gaz, en fonction du prix international plancher mis en relief précédemment, sinon la durée serait moindre, et qu’il n’y ait pas une nouvelle révolution technologique énergétique, dont les énergies renouvelables, les nanotechnologies, comme cela s’est passé par la substitution des hydrocarbures au charbon.
Renversement urgent des échelles de valeur
La rente des hydrocarbures captée surtout à l’amont contrairement à certains pays du Golfe qui ont investi à l’aval, a largement contribué à éponger la dette extérieure, la dette intérieure, des  subventions non ciblées afin de comprimer artificiellement l’inflation comme du temps des années 1970, entraînant un découragement des producteurs locaux, un gaspillage des ressources financières, des fuites hors des frontières et donne des taux de croissance (sur le taux global de croissance hors hydrocarbures officiel de 5/6%, les véritables entreprises autonomes de la rente représentent à peine 20%) et des taux de chômage fictifs (dominance des emplois rentes improductifs). Actuellement tous les segments de la société, du fait d’une profonde injustice sociale, veulent immédiatement leurs parts de rente, quitte à conduire le pays au suicide collectif. Le malaise social qui tend à se généraliser renvoie donc au blocage systémique, car il n’existe pas de véritable politique salariale qui encourage les véritables producteurs de richesses mais des distributions passives de rente. Cela est lié au manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique et donc de la réforme globale. Il faut donc poser la problématique essentielle qui relève de la sécurité nationale. Comment passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, les deux fondements du développement du XXIème siècle étant la bonne gouvernance dans le cadre des mutations mondiales et surtout la valorisation de la connaissance loin des distributions de rente ?
50 millions d'Algériens sans hydrocarbures dans 25 ans
La population algérienne est de 36 millions et sera 50 millions sans hydrocarbures dans 25 ans. Il faut partir de la situation antérieure puis évaluer celle d’aujourd’hui. Les lois de finances 2011/2012 font un pari hasardeux sur un cours qui dépasserait les 85/90 dollars en termes réels devant être attentif à l’évolution du cours du dollar. L’Algérie n’a pas trouvé à ce jour la voie de sortie d’une crise multidimensionnelle aigüe. Les problèmes majeurs demeurent, la crise de confiance persiste à l’intérieur et à l’extérieur de l’Algérie, accentuée par les scandales financiers. Pourtant l’Algérie possède d’importantes potentialités pouvant devenir un acteur majeur au sein du bassin euro-méditerranéen et arabo-africain pour peu que l’on abandonne les méthodes périmées des années 1970 tant dans le domaine économique que diplomatique. Nous sommes en 2011 avec de profonds bouleversements géostratégiques entre 2012/2020. Si l’Algérie investit dans les biens durables et les techniques modernes, ceux-ci doivent s’accompagner  d'investissements tout aussi importants dans l’éducation-qualification, la démocratie-liberté et l’environnement-préservation. C’est là que le bas blesse ! C’est l’investissement immatériel qui manque aujourd’hui cruellement à ce pays. Nous pouvons investir autant de milliards de dollars dans les infrastructures sans connaître de développement voire régresser. On construit une économie d’abord sur la valorisation de la connaissance, ensuite les valeurs morales d’une société (l’éducation civique, le code de l’honneur, le patriotisme authentique, la tolérance, la discipline, la rigueur, la performance, le sens du devoir, l’ordre de mérite, la loyauté, le gout de l’effort, la promotion sociale, la déontologie, la connaissance, le sens de la responsabilité, le challenge, la citoyenneté, l’honneur, la solidarité, la famille, la patrie…).
Quand comprendrons-nous que la structure des sociétés modernes et puissantes qui dominent le monde se bâtit d’abord sur des valeurs et une morale (qu’ils appellent les valeurs et principes universels). Nous devons impérativement recomposer nos valeurs et nos principes pour reconstruire une société algérienne moderne et ouverte à la culture et au développement économique, technique et social. Dans ce cadre, les actions urgentes pour mener l’Algérie vers une sortie de crise sont en quelques mots : d’abord, œuvrer pour bâtir une démocratie dynamique assise sur une justice indépendante, compétente et diligente. C’est ensuite de sortir d’un système de gouvernance archaïque pour un système participatif et qui appelle aux compétences algériennes locales et celles établies à l’étranger. C’est en d’autres termes, donner aux algériens l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement et harmonieusement. C’est enfin, rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions de la république, de préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale. Dès lors nous aurons deux scénarios,  l’un optimiste, l’autre pessimiste.
Pour le scénario optimiste
Afin de parvenir à un développement durable, il doit reposer sur un appareil productif compétitif et diversifié, une nouvelle gouvernance, un nouveau rôle de l’Etat, une adaptation institutionnelle, l’investissement dans ans la formation/enseignement/recherche/innovation, le développement d’un secteur bancaire privé et des marchés financiers, l’insertion dans les échanges internationaux selon une synchronisation des actions. S’agissant spécifiquement de l’insertion dans les échanges internationaux (grand Maghreb, processus d’adhésion à l’OMC, Accord d’association avec l’UE), l’Algérie peut en attendre une spécialisation industrielle, des gains de productivité et croissance. Cette  ouverture doit être maîtrisée, l’économie de marché concurrentielle ne signifiant pas anarchie mais un rôle stratégique de l’Etat régulateur, afin d’éviter un regain d’importations et la destruction du tissu productif local qui doit se plier aux normes du management stratégique au sein d’une économie ouverte. Quant au scénario pessimiste, il se réalisera, si l’Algérie échoue à diversifier leur économie. Dans ce cas, une fois les réserves en hydrocarbures épuisées nous aurons les séquences suivantes : pénurie de recettes fiscales à difficultés croissantes pour financer les importations, les investissements publics et la demande sociale à récession, la progression du chômage à troubles sociaux. Espérons que la raison l’emportera afin de réaliser le scénario optimiste pour notre pays  et les générations futures.
Professeur Abderrahmane Mebtoul le matin dz
 

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