Algerie Europe coopération durable

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Patrick le Berrigaud

dimanche 2 octobre 2011

Algerie miser sur les ressources locales

Entretien réalisé par Samira Imadalou
L’expert en économie Bachir Mr Messaitfa à la Tribune
La Tribune : Avec les évènements qui secouent depuis le début de l’année le monde arabe, quelles sont les conséquences, selon vous, sur les économies des pays touchées par ces bouleversements politiques ?
BACHIR MESSAITFA :
Les pays touchés par ces bouleversements sont évidemment le Yémen, la Syrie, l’Egypte, la Tunisie et la Libye. Ces pays vivent actuellement un changement radical sur le plan politique. L’impact sur les marchés s’est vite fait ressentir en Tunisie, en Egypte et en Libye où il y a eu rétrécissement de la croissance durant le premier semestre de l’année en cours. Le taux est tombé à zéro. En Tunisie, les pertes enregistrées dans le secteur du tourisme s’évaluent à 4 milliards de dollars. Selon des déclarations du ministre tunisien du commerce, en mai dernier, la bourse de Tunis a chuté de 8,8%. L’économie égyptienne a pour sa part perdu 2,5 millions d’emplois. En Libye, c’est le secteur pétrolier qui a été le plus touché. La production journalière est passée de 1,4 millions de baril à 0,3 millions de barils. Pour un retour à la normale de l’activité pétrolière et pour atteindre le même niveau de production d’avant la révolution, il faudrait au moins trois ans et demi. Aussi, dans un rapport publié en juin dernier par le fonds monétaire arabe, les pertes des bourses arabes ont atteint le seuil de 140 milliards de dollars et d’autres sources indépendantes avancent des pertes de 38 milliards de dollars. Dans les pays où la révolution se poursuit, en Syrie et au Yémen, les sanctions sur Damas, les importations de pétrole, les services bancaires et le secteur du commerce en ce qui concerne notamment l’espace de libre échange entre la Turquie et la Syrie. Le Yémen a perdu pour sa part les aides internationales en raison du gel de ces aides par les donateurs. S’ajoute à cela les répercussions sur l’industrie énergétique particulièrement l’industrie du gaz Butane et de l’Essence
Quelles seraient selon vous les répercussions sur les pays du Maghreb ?Au niveau de la région maghrébine, il faut dire que le Maroc et l’Algérie ont été affectés négativement par la révolution tunisienne. L’Algérie par exemple a perdu 2,2 milliards de dollars. Ce sont les agences de voyage et la compagnie aérienne Air Algérie qui ont endossé ces pertes en raison de la baisse de l’activité touristique en Tunisie. Les prix des produits importés issus de l’industrie textile ont également augmenté sous la pression des bouleversements en Syrie. Il y a lieu de relever aussi la baisse des transferts des algériens travaillant en Libye. Mais la pression sur le marché pétrolier en Libye et en Syrie a permis de stabiliser les prix au dessus de 110 dollars le baril. Et ce, malgré l’injection de l’agence internationale de l’énergie de 60 millions de barils sur le marché pendant la révolution. Cette situation a permis à l’ Algérie de réaliser un excédent commercial important dans sa balance de plus de 10 milliards de dollars au cours du premier semestre de l’année, c’est-à-dire durant la période de la révolution arabe. Quels impacts sur les échanges commerciaux avec l’Algérie, des échanges qui sont déjà faibles, que ce soit dans le cadre de la zone arabe de libres échanges ou avec les pays de l’UMA ? Il n’y a pas réellement d’échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes en dehors du tourisme, un secteur où l’Algérie a perdu 2,2 milliards de dollars avec la Tunisie, considéré comme le principal marché touristique pour l’Algérie. Parallèlement, la situation en Syrie a influé négativement sur les produits textiles (en détails). Pour ce créneau, les échanges ne sont pas dans un cadre formel et n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. Pour le reste des produits, l’Algérie a arrêté avant la révolution arabe une liste de négative de 1500 produits interdits d’importation dans le cadre de la Zone arabe de libres échanges (ZALE) dans but de protéger la production nationale. L’impact sur le marché boursier reste absent pour son inexistence en Algérie, la bourse d’Algérie étant non intégrée dans le marché boursier arabe. C’est aussi, parce que l’Algérie ne possède pas des actifs d’investissements sur le marché financier arabe alors que dans le secteur des hydrocarbures, il n y pas eu d’impact sur les investissements algériens dans ces pays. En Libye, Sonatrach continue à y travailler et le conseil national de transition Libyen a respecté les contrats conclus dans les hydrocarbures avec les entreprises algériennes.
Quel avenir pour le projet d’intégration maghrébine et pour la banque maghrébine d’investissement ?C’est certain, le changement révolutionnaire en Libye joue en faveur du rapprochement entre les pays du Maghreb. Parallèlement, les réformes politiques et les changements constitutionnels en Tunisie, au Maroc et en Algérie vont promouvoir des institutions parlementaires plus représentatives des peuples. C’est une condition nécessaire pour la constitution d’un bloc régional comme ce fut le cas dans les pays de l’Union européenne. Je pense que  la résolution de la crise libyenne, l’organisation des élections législatives en Algérie, en Tunisie et au Maroc entre 2011 et 2012 ainsi que la tenue des élections présidentielles en France nous donneront une réponse définitive sur les orientations de la construction du Grand Maghreb notamment ses institutions financières. Les efforts de la reconstruction en Libye accéléreront les opérations d’investissements dans le Maghreb. Et ce d’autant que le sommet tenu à Marseille les 10 et 11 septembre dernier a donné des indices forts et positifs pour l’engagement du Groupe des sept plus un (G8) à appuyer la reconstruction et le développement dans les pays arabes touchés par les révolutions avec une aide de 38 milliards de dollars.
La conjugaison de cette crise avec celles des USA et de la zone euro ne rend-elle pas les perspectives économiques plus sombres pour des pays dépendant des importations des produits alimentaires ?  Effectivement, la crise des dettes souveraines aux USA et dans la zone euro ne fera que ralentir la croissance à des niveaux oscillant entre 0 et 0,5 %. Ce qui appuiera davantage la pression sur les investissements et réduira l’offre sur le marché, particulièrement en ce qui concerne les produits dérivés de l’énergie, les équipements et les produits alimentaires. Ce qui va nourrir l’inflation et influera négativement sur les prix dans les marchés dépendant de l’importation comme l’Algérie. Et le résultat sera une forte croissance des importations. En Algérie, les prévisions tablent sur 47 milliards de dollars d’importations en 2011, soit plus de 7 milliards de dollars par rapport à 2010. Les céréales viennent en pôle position avec une augmentation pouvant aller à 95 %. Les gouvernements vont devoir rallonger les montants affectés à la subvention des prix. C’est le cas en Algérie. D’où, le déficit de 57 milliards de dollars (25,4 %) dans le de loi de finances 2012.
Les risques inflationnistes n’iront-ils pas en s’amplifiant ?En Algérie, il y a deux types d’inflation. L’inflation dû à l’augmentation des prix sur le marché interne : l’inflexibilité de l’offre et l’augmentation de la demande sous la pression de la hausse des recettes des ménages. Ce type d’inflation reste stable autour de 3,6 % selon les chiffres de la Banque d’Algérie qui explique ce chiffre par la politique de l’Etat concernant le plafonnement des prix des produits de large consommation. Il y a en parallèle l’inflation importée qui varie suivant les orientations sur le marché européen. Ce qui dépend des fluctuations de l’euro et de la flexibilité de l’offre des produits industriels ; alimentaires et énergétiques dans l’Union Européenne. Ces produits tendent justement à voir leur prix fortement augmenter avec le ralentissement de l’activité économique. Ce qui va  pousser l’inflation en Algérie légèrement au dessus de 4 %.
Qu’en est-il des enjeux énergétiques et du marché pétrolier mondial ?Le ralentissement de la croissance économique dans la zone euro, le Japon et les USA va réduire la demande sur l’or noir et par ricochet les prix vont baisser au dessous de 90 dollars. Actuellement, il y a la demande sur les carburants destinés au chauffage dont les commandes sont réglées pour trois mois ou plus. Ce qui explique la stabilité des prix au dessus de 110 dollars. Mais à partir de janvier 2012, les cours appliqués dans les contrats saisonniers vont baisser. A partir de là, commenceront à apparaître les conséquences de la crise financière et économique. Personnellement, le prévois une réduction des prix du pétrole au dessous de
85 dollars avec la fin de l’année en cours. Les indices boursiers et les chiffres de l’emploi vont également chuter. Pour cela, je dirais que le prix de référence de 37 dollars adopté pour le l’élaboration de la loi de finances 2012 est une décision rationnelle et juste. On reste maintenant dans l’attente des changements au niveau de l’OPEP à la lumière de la situation en Libye pour connaître la politique de l’organisation en matière de régulation du marché pétrolier.
Quelles sont les leçons à tirer pour l’Algérie ?La leçon la plus importante est la fragilité du marché pétrolier et ses fluctuations. Ce qui ne permet pas à l’Algérie de mettre en place des politiques de développement à moyen et long terme. Une économie basée sur la dépendance vis-à-vis des marchés industriels et capitalistes n’est pas solide. Elle reste soumise aux chocs extérieurs. Aussi, des pays qui ne sont pas regroupés dans des blocs régionaux seront affectés par les crises financières rapidement et fortement. La protection réelle d’une économie ne se fait qu’à travers l’utilisation et la promotion des ressources locales qu’elles soient matérielles ou humaines. Miser sur les ressources nationales pour faire face aux chocs reste l’ultime recours. A court terme, la solution à prendre pour l’Algérie est de fructifier ses réserves de changes en achetant des actifs d’investissements dans les nouvelles technologies et les énergies renouvelables. Ce qui est plus rentable. A moyen terme, il y a lieu de développer l’industrie dans quatre directions : l’agroalimentaire, la mécanique, l’électronique et la pétrochimie. Aller vers des pôles régionaux assis sur de bases solides. la tribune
S. I

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