Algerie Europe coopération durable

Algerie Europe coopération durable
Patrick le Berrigaud

jeudi 17 novembre 2011

Algerie stratégie gazière


Urgence de redynamiser la stratégie gazière de l’Algérie ?

REUNION MONDIALE DU FORUM DES PAYS EXPORTATEURS DE GAZ (FPEG)

Le Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) comprenant 32 pays membres après que la réunion ait accepté une demande d'adhésion du sultanat d'Oman, contrôlant près de 70 % des réserves mondiales de gaz, dont la Russie, gaz, l'Iran, le Qatar plus de 50%, se tiendra à Doha le 15 novembre 2011 et devrait être consacré à la présentation de la stratégie de développement à long terme du marché gazier mondial. Les pays gaziers sont confrontés à la baisse des prix du gaz sur le marché libre dit spot en raison notamment de la révolution du gaz non conventionnel, bon nombre consommateurs réclamant la révision à la baisse des prix des contrats gaziers long terme. L’objet de cette contribution est de poser la problématique de la politique gazière de l’Algérie dont le projet Galsi qui accuse un important retard, est menacé à travers la concurrence de Gazprom 55 milliards de mètres cubes gazeux.


1. Quelle est la situation actuelle de la production de gaz en Algérie ? 
L’Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, contre 1% pour le pétrole, selon certaines statistiques de janvier 2011 12 milliards de barils selon la revue financière Gasoil , tenant compte de l’entrée de nouveaux pays pétroliers , 1,5 % selon d’autres sources grâce aux techniques de récupération, ayant pompé ente 1962 et 2006 plus de 15 milliards de barils soit plus que les réserves actuelles, mais récemment avec des couts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers. Pour le gaz, elle se classe à la dixième position avec des réserves mondiales, loin de la Russie, classée première, qui détient, pas moins de 25,02% soit 47570 milliards de mètres cubes des réserves mondiales, l'Iran, (15%) le Qatar (10%), le Turkménistan, l'Arabie Saoudite, les Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis, le Nigeria et le Venezuela. Pour le gaz, les réserves ont été consolidées selon la revue internationale Gasoil à 4500 milliards de mètres cubes au 01 janvier 2010. 
L’Algérie fournit à l’Europe 25/30% de ses besoins en gaz naturel, ce qui représente 70% des exportations algériennes, étant le troisième fournisseur de gaz de l’Europe après la Russie et la Norvège. Pour l’Algérie, en dépit d’un redressement de situation en 2010 – 55,28 milliards de mètres cubes de gaz naturel exportés contre 52,67 milliards de mètres cubes en 2009, l’Algérie peine toujours à maintenir le niveau des volumes exportés au-dessus de 60 milliards de mètres cubes, un seuil qui était bien conservé entre 2001 et 2008. La production à un rythme rapide des gaz non conventionnels aux USA et en Europe explique en partie cette situation. Alors que l’Algérie tablait sur des exportations de l’ordre de 85 milliards de mètres cubes pour 2011/2012, ce qui devient une impossibilité du moins pour cette échéance. Le temps étant de l’argent, l’Algérie ne risque t- elle pas de perdre des parts de marché au profit d’autres concurrents ? Par ailleurs, le prix du gaz non conventionnel, encore qu’existe un problème de la dégradation de l’environnement, grâce à la technique du forage horizontal est actuellement de 4/5 dollars donnant les USA exportateur de gaz horizon 2020, pouvant freiner l’importation de gaz algérien pour ne pas dire l’annuler où Sonatrach devait approvisionner la cote Est des USA. Selon les statistiques internationales, le gaz non conventionnel devrait représenter environ 25% de la production mondiale en 2020. Concernant l’approvisionnement de l’Europe, et cela n’est pas propre à Sonatrach mais également pour le géant russe Gazprom, il faudra tenir compte de la donne polonaise membre de l’Europe des 27 qui pourrait bouleverser la donne énergétique européenne. 
D’ après l’Agence américaine de l’énergie ( rapport 2010) la Pologne aurait une réserve de quelques 5300 milliards de mètres cubes de gaz de schiste dans ses sous-sols d’une valeur de 1380 milliards d’euros. Est ce que la bulle gazière s’arrêtera horizon 2015 ou au -delà lorsque les contrats à moyen terme de l’Algérie arriveront à expiration ce qui influencera le niveau d’entrée en devises du fait que le gaz représente plus de 40% des entrées en devises. Et donc un sérieux problème de financement au delà de 2014 si l’on maintient le rythme de la dépense publique ou le déficit budgétaire déjà élevé dans la loi de finances 2011 (33,9% du PIB) et 25% selon la loi de finances prévisionnelle 2012 mais ayant réduit d’une manière drastique le budget d’équipement. Encore que le dérapage rampant du dinar algérien par rapport au dollar voile le déficit budgétaire réel, gonfle artificiellement le fonds de régulation des recettes, étant souhaitable la suppression de ce fonds et d’établir le budget au cours moyen du marché pour plus de transparence. 
Comme se pose le problème si ce prix bas du gaz non conventionnel sur le marché libre est tenable à terme, devant fluctuer pour une extension de l’investissement dans ce segment selon les experts entre 7-8 dollars. Selon le dernier rapport du FMI (2011), il y aurait eu pour l’Algérie une baisse de 10% des exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) en 2010, arrêt depuis la même année des exportations de GNL vers les Etats-Unis et la Belgique (10% des volumes totaux). 
Ainsi l’entrée du gaz non conventionnel remet en cause la rentabilité même des GNL dont les caits sont très élevés et la rentabilité à moyen et long terme d ‘autant plus que les capacités de Gazprom et du Qatar sont plus du double de celui de Sonatrach. Le gazoduc Medgaz, opérationnel depuis le début de l’année en cours, ne pourra compenser de sitôt les pertes sur le marché américain compte tenu des craintes qui pèsent sur la reprise des européennes et notamment les économies espagnole et italienne. Le risque face à la déconnection du prix du gaz par rapport à celui du pétrole qui connait un cours relativement élevé, pour couvrir la dépense publique est que l’Algérie accélère l’épuisement de ses réserves de pétrole. Dans la Revue statistique sur l’énergie dans le monde daté de juin 2004 de British Petroleum, le groupe anglo-américain réputé pour ses analyses et ses données chiffrées sur le secteur indique que la durée de vie des réserves pétrolières de l’Algérie serait de 16 /18ans. De façon plus précise, pour cette revue, les réserves prouvées de brut du pays auraient été en 2004, de 11,3 milliards de barils, soit environ 1, 6 milliard de tonnes, représentent 1% des réserves mondiales. L’Algérie ayant produit en 2004 pour 1,8 million de barils/ jour de liquides, rapportée au niveau d’extraction du pays, la durée des réserves serait selon cette source de 16 ans, donc restant à la date de 2011 environ 10 ans. Cela pose un vrai problème : entre-temps, y a t-il eu de découvertes significatives ou de réévaluations à la hausse des accumulations de brut dans les gisements? Dans le cas contraire l’Algérie sera un importateur net de pétrole à partir de 2020. Dans ce cadre quelle est la durée de vie des gisements de gaz ? 
Le programme du gouvernement est d’aller vers plus de 90% d’utilisation du gaz dans les foyers, et des projets prévus dont pour ne citer que quelques unes , l’ Ammoniac Orascom avec des besoins de 1,645 milliard de m3/an, Ammoniac SBGH avec 0,8 milliard de m3/an, la raffinerie de Tiaret qui a été récemment différé (0,960 milliard de m3/an) et la réhabilitation de la raffinerie d’Alger. Selon le rapport de la CREG, hypothèse forte excluant l’abandon des projets programmés par le Ministère de l’énergie, la demande globale intérieure en gaz horizon atteindra 62,96 milliards de m3, soit un rythme d’évolution annuel moyen de 11,3% entre 2008 et 2013 et de 6,7% entre 2013 et 2018. Pour l’hypothèse moyenne cela approche 50 milliards de mètres cubes gazeux. La crainte pèse sur la capacité de l’Algérie à honorer ses engagements gaziers envers l’étranger en raison de l’augmentation de sa consommation interne d’ici à 2018. Les économies d’énergie supposant un nouveau modèle de consommation énergétique, une politique des prix plus rationnelle et le développement de sources alternatives d’énergie (le solaire) pour les besoins du marché national ce qui permettrait d’alléger la pression de la demande sur l’offre de gaz et donc pour l’Algérie d’honorer ses engagements internationaux. 
Concernant le calcul de la durée de vie des réserves de gaz, il y a lieu de préciser que pour l’Algérie, il sera fonction du cout de Sonatrach. Selon mes calculs, la rentabilité des installations de Transmed via la Sicile et Medgaz via l’Espagne, le projet Galsi étant toujours en gestation, et l’Algérie risque d’être fortement concurrencé par Gazprom. Le gazoduc russe sous-marin Nord Stream vient d’être mis en service en ce mois de novembre 2011 par Gazprom, dans la ville côtière de Lubmin (mer baltique), en Allemagne, Le gazoduc inauguré aura une capacité annuelle de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz et ce volume sera doublé avec la construction sur le même tracé d'un second "tuyau", qui devrait être achevé fin 2012 , les deux canalisations devant livrer 55 milliards de mètres cubes afin d’alimenter l’Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la France et le Danemark. 
Plusieurs entreprises participent au consortium Nord Stream : Gazprom (51% des parts), les Allemands Wintershall (filiale pétrogazière de BASF) et EON Ruhrgas (15,5% chacun), ainsi que NV Nederlandse Gasunie et le Français GDF SUEZ (9% chacun).Il ne faut pas non plus oublier que, dès 2015,un autre gazoduc South Stream devrait relier la Russie à l’Europe occidentale qui devrait avoir une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz par an, d’un cout initial de 25 milliards d’euros,(ce cout pouvant être divisé par trois à cinq si ce gazoduc passait par l’Ukraine, posant d’ailleurs la problématique de sa rentabilité ) , qui sera acheminé sous la mer noire vers la Bulgarie , puis la Serbie, l’Italie et l’Autriche , le 6 août 2009, la Turquie ayant donné son feu vert à la pose dans ses eaux territoriales. Le retard de Galsi est donc préjudiciable à l’Algérie. 
Comme il y a lieu de noter que la rentabilité des installations algériennes nécessite un prix de cession entre 9/10 dollars et pour le GNL 14/15 dollars. Le calcul des réserves et quelque soit le pays est fonction de l’évolution de la concurrence des énergies substituables , du cout et du prix international et non de découvertes de gisements physiques qui peuvent être non rentables. 
Ne pouvant pas compresser la demande intérieure en deçà de 50 milliards de mètres cubes gazeux entre 2011/2020, au risque de freiner le développement, compte tenu des exportations prévues et de la consommation intérieure (scénario moyen du CREG) , plus de 85 milliards de mètres cubes d’exportation soit une production totale de 135 milliards de mètres cubes gazeux et presque 150 pour l’hypothèse forte du CREG , 10/15% des gisements marginaux selon les experts gaziers étant à soustraire car non rentables. En cas de l’hypothèse d’un prix moyen de 14/15 dollars le MBTU pour le GNL s’accroissant ou baissant proportionnément selon le prix du gaz par canalisation( GN) ,d’un cout fixe de 4/5 dollars, plus le cout augmente plus les réserves diminuent et inversement, et selon les scénarios variables pour la cession du prix du gaz par canalisation nous aurons les prévisions suivantes : -prix du gaz 9/11 dollars le million de BTU par canalisation : 25 années de réserves ;-prix du gaz 4/6 dollars : entre 15/16 ans de durée de vie des réserves ;- en cas d’un prix supérieur à 15 dollars : la durée serait supérieure à 30 ans, les gisements marginaux devenant alors rentables. 
La durée de vie des réserves sera moins longue si les prévisions du Ministère de l’Energie d’exporter 100 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2020 se réalisent et si la consommation intérieure est plus importante que prévue du fait du bas prix de cession du gaz. 
2. Les perspectives 
Concernant les exportations par canalisation, titre de rappel, Medgaz est le troisième gazoduc algérien qui livre le gaz à l'Europe, avec le GME (gazoduc Maghreb-Europe qui transite par le Maroc et le détroit de Gibraltar). Medgaz compte comme actionnaires Sonatrach, majoritaire avec 36%, les espagnoles Cepsa Iberdrola Endesa et Gaz de France. On estime à 2 milliards de dollars annuellement les revenus en devises tirés par l’Algérie de Medgaz dans une première phase pour un volume d’exportation de 8 milliards m3 par an contre un coût de 28 milliards de DA en monnaie locale et 148 millions d’euros en devises. 
Et bien entendu ce montant concerne le chiffre d’affaire et non le profit net de Sonatrach après retrait des charges et si le prix de cession reste au même niveau des négociations de départ, soit 10 dollars le MBTU ce qui n’est pas évident dépendant de la durée de la bulle gazière et de la concurrence surtout de la Russie et le Qatar alimentant pour une fraction de leur production le marché spot sans préjuger avec l’embargo le cas de l’Iran . Un bas prix met en danger la rentabilité financière de ce projet au même titre que celui bien plus important du réseau Trans-méditerranéen (Transmed d’une capacité d’environ 30,2 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz naturel par an, étant prévu d'étendre cette capacité à 33,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an d'ici à 2012 aussi connu sous gazoduc Enrico Mattei) est un pipeline de gaz naturel qui relie l’Algérie via la Tunisie à la Sicile et de là vers l'Italie. 
Son extension à travers le projet GALSI doit acheminer le gaz naturel du gisement de gaz d’Hassi R’mel en Algérie vers l’Italie du Nord après avoir traversé la Sardaigne. Ce projet comme souligné précédemment n’est toujours pas réalisé alors que les projets de Gazprom ont vu le jour , Sonatrach pouvant perdre des parts de marché du fait de ce retard. Comme se pose le problème de la rentabilité du projet NIGAL où suite au mémorandum d'entente qui avait été signé en janvier 2002, entre Sonatrach et la Nigerian National Petroleum (NNPC), réunis à Abuja au Nigeria, les ministres du pétrole et de l'énergie d'Algérie, du Niger et du Nigeria avait également signé le 3 juillet 2009 un accord pour construire un gazoduc baptisé Trans Saharan Gas Pipeline (TSGP),de 4 128 kilomètres (dont 2310km pour le territoire algérien) qui devrait servir à alimenter l'Europe en gaz puisé dans le delta du Niger au sud du Nigeria. Avec un cout prévu initialement à 5/6 milliards de dollars puis reporté à 10 milliards de dollars en 2009 il aurait dépassé actuellement les 13/15 milliards de dollars. 
Ce projet financé pour partie par l’Europe avec la crise d’endettement et le bas prix du gaz est-il rentable sans compter les conflits tribaux ? Il est entendu que la demande extérieure des hydrocarbures pour l’Algérie d’une manière générale sera fonction d’une reprise ou pas de l’économie mondiale et de l’évolution du cours du dollar. Rappelons la chute des cours en 1986 avec toutes les ondes de chocs politiques, économiques et sociales entre 1988/1994(rééchelonnement) et de près de 45% des recettes en devises de Sonatrach après la crise de 2008/2009. 
Selon le gouvernement, la production de gaz naturel de l’Algérie, qui a connu en 2010 un recul de 2,4 % par rapport à 2009, devrait croître nettement d’ici 2014 avec l’entrée en production de nouveaux gisements gaziers. Ces exportations peuvent être renforcées par la mise en production de nouveaux gisements qui devraient renforcer les capacités de production de gaz naturel de près de 25 milliards de mètres cubes d’ici 2014 ce qui nous donnerait 80 milliards de mètres cubes gazeux pour 2014. 
En résumé, l’Algérie exporte 98% en hydrocarbures brut et semi brut et important 75% des besoins des entreprises et des ménages. Surtout qu’actuellement avec la crise mondiale un débat national pose la problématique du rendement des placements dans des banques centrales occidentales, asiatiques et même au niveau de certains pays du Golfe, soit 90% (plus de 155 milliards de dollars en bons de trésor américains et en obligations européennes) sur un total de réserves de change de l’Algérie estimées à 175 milliards de dollars au 01 juillet 2011 grâce aux hydrocarbures et non à la bonne gouvernance. Tout débat sur les réserves de change en Algérie envoie au débat sur la rente des hydrocarbures, car pourquoi continuer à épuiser cette ressource éphémère pour les placer ensuite à l’étranger? 
Aussi un débat objectif ne peut dissocier l’analyse des rendements des réserves de change des réserves d’hydrocarbures, puisque provenant de cette sphère, ainsi que de la stratégie future du développement au sein d’un espace de plus en plus mondialisé, afin de transformer cette richesse virtuelle en richesse réelle. L’Algérie est indépendante depuis 49 ans sans que les dirigeants successifs n’aient préparé l’après hydrocarbures malgré des discours triomphants. La population algérienne qui est de 36 millions en 2011 sera dans 16 ans sans pétrole et dans 25 ans sans gaz dans l’hypothèse la plus raisonnable tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales. L’objectif stratégique pour l’Algérie, est donc la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. 
Cela suppose une gouvernance renouvelée, de profondes réformes politiques et économiques solidaires , la valorisation de l’entreprise et son support la ressource humaine ( combien de cadres valables algériens marginalisés se sont expatriés ) , richesse bien plus importante que toutes les ressources des hydrocarbures , une Nation sans son élite étant comme un corps vidé de son sang. 
REFLEXION

Dr. Abderrahmane MEBTOUL

Tribune Libre

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